L’accord sur le portage salarial: Clarification d’habitudes déjà prises
Qu’est ce que le portage salariale ?
L’article L 1251-64 du Code de travail tel qu’issu de la loi du 25 juin 2008 définit le portage salarial comme « un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l’entreprise de portage ». Cette définition fait du portage salarial, à l’instar du travail temporaire, une relation de travail tri partite. Le salarié porté, apporteur de l’affaire, a recours pour les nécessités de sa mission auprès d’une entreprise utilisatrice à une société de portage, qui le salarie et qui conclue un contrat de prestation avec le client final. Cette définition légale a été complétée sur plusieurs points par les partenaires sociaux négociateurs de l’accord du 24 juin 2010.
Ainsi, le salarié porté doit être l’initiateur de son activité. Il a trouvé son client et a défini, avec celui-ci, sa mission. Le rôle de la société de portage est limité à l’organisation administrative des contrats. Sur ce point, elle se différencie des sociétés de conseil et de travail temporaire à qui appartiennent les clients démarchés. Dans le portage, le salarié reste ainsi propriétaire de sa clientèle. Ce point a été fortement souligné par les négociateurs de l’accord du 24 juin 2010, qui ont même précisé qu’en cas d’apport d’affaires réalisé par la société de portage le contrat du porté serait requalifié en contrat à durée indéterminée.
Corolaire de cette indépendance, le salarié porté est obligatoirement un cadre. Cette qualification retenue est assez logique. Le salarié se crée son propre emploi en démarchant une entreprise, il fait preuve à cette occasion d’une autonomie d’action manifeste. Ce choix vise aussi à éviter le dévoiement du portage vers des fonctions subalternes et de le rendre concurrent du travail temporaire ou des métiers de service à la personne.
La qualité d’entreprise de portage salarial :
L’entreprise de portage, employeur du salarié et prestataire du client finale, présente, à notre avis, un statut inspiré mais plus singulier que celui de l’entreprise de travail temporaire. Elle est, tout d’abord, employeur du salarie porté. Mais c’est un employeur qui a une influence atténuée sur son salarié, qui lui a apporté l’affaire, qui a défini son salaire, ses conditions de travail et qui bénéficie d’une autonomie très aboutie dans l’exécution de sa mission. Le lien de subordination existant normalement entre employeur et salarié semble réduit à sa plus simple expression. Les rédacteurs de l’accord de juin 2010 ont ainsi retenu l’obligation pour le salarié porté de rédiger des comptes rendus d’activités vis-à-vis de son employeur, dernier signe d’une dépendance juridique d’un travailleur bien autonome. Cette relation appelle de futures précisions jurisprudentielles. Quid des litiges en cas d’inexécution de la prestation et de non paiement de l’entreprise cliente, quid du pouvoir disciplinaire de l’employeur vis-à-vis de la réalisation d’un travail sur lequel il n’a que peu de prise.
De plus, l’accord du 24 juin 2010 nous précise que les entreprises de portage salarial devront être exclusivement dédiées à cette activité et exercer leur mission dans le cadre d’une garantie financière visant à permettre le paiement des salariés et des cotisations sociales en cas de défaillance. Cette obligation, similaire à celle faite aux entreprises de travail temporaire, vise à éviter, dans le milieu du portage, des situations de faillites préjudiciables aux salariés.
L’articulation des contrats de travail :
Le salarié porté peut être employé sous trois types de contrat : le CDD, le CDD d’objet et le CDI. Ces trois possibilités sont à utiliser en fonction de la situation d’emploi et de la durée de la mission du salarié.
Le contrat à durée déterminée vise les situations d’emploi où le salarié est recruté pour l’exécution d’une tache précise et temporaire. La durée de la mission ne peut être dans ce cas supérieure à 18 mois. L’accord précise que, contrairement au droit commun du CDD, il n’existe pas de délai de carence entre deux missions de portage. Ce dispositif libéral suppose que le législateur suive les partenaires sociaux en modifiant la loi.
Le CDD d’objet vise les missions d’une durée supérieure à 18 mois et inférieure à 3 ans. Ce contrat doit contenir les dispositions liées à la prévenance en cas de rupture du contrat pour la réalisation de son objet. Il n’est pas renouvelable.
Enfin, le salarié porté peut convenir avec l’entreprise de portage d’un contrat à durée déterminée. Celui-ci peut être conclu notamment lorsque le salarié réalise de façon simultanée ou successive plusieurs missions. En revanche, ce cadre de relation impose au salarié porté de rechercher un volume d’affaire permettant la pérennisation de son contrat de travail. L’entreprise de portage devra adapter le contrat de travail du porté en fonction de ses missions par la rédaction d’avenant. Ce dispositif peut être source de nombreuses interrogations notamment dans le cadre d’une relation de travail où l’employeur est privé d’une partie de ces prérogatives et ne peut, en toute logique, supporter la responsabilité d’une relation d’emploi plus classique. Au-delà de ce point, l’intervention du CDI dans l’organisation du portage n’est pas être totalement en concordance avec la logique du contrat d’objet (CDD ou CDD d’objet) que les négociateurs de l’accord ont semblé promouvoir notamment en faisant échapper à la règle de la carence, propre au CDD, les contrats portés. Cet élément nous amène à nous interroger sur ce qui a motivé les négociateurs à l’adoption de cette solution, nécessitant l’intervention du législateur, plutôt que d’entrainer le portage vers l’utilisation du CDD d’usage dans le cadre de l’article L1242-2 3° du Code du travail.
Les clauses du contrat de travail :
Concernant l’organisation du temps de travail, l’accord du 24 juin 2010 a prévu deux possibilités de forfaitiser la durée du travail. La convention de forfait en heures conclue sur une base annuelle ou mensuelle et la convention de forfait annuel en jour permettront d’organiser l’activité du salarié porté sur un mode propre au personnel autonome et dont la durée et les horaires de travail ne pourront être prédéterminés.
La rémunération du salarié porté ne peut être inférieure à 2900 euros brut mensuel pour un emploi à temps plein. Il est, de plus, prévu que le salarié bénéficiera d’une indemnité d’apport d’affaire de 5% de la rémunération brute. Celle-ci permet de financer les temps de prospection et de préparation de la mission. Elle peut être convertie en temps à la fin de la mission de portage pour permettre la prospection d’une nouvelle activité. En cas d’emploi en CDD, le salarié porté bénéficie de l’indemnité de fin de contrat de 10% de la rémunération brute.
L’ensemble de ces règles vise à encadrer et à contenir une relation de travail de plus en plus flexible et où la notion de salarié dépendant d’un employeur est moins marquée que dans un cadre de travail classique. Quelques mois après l’arrivée du CDD d’objet et du statut d’auto-entrepreneur, cette nouvelle notion replace dans le droit un usage de travail déjà connu. Reste au législateur de transposer la volonté des partenaires sociaux dans la loi et à la jurisprudence de fixer l’étendue des responsabilités futures.
Références : Accord National Interprofessionnel du 11 janvier 2008
Loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008
Accord du 24 juin 2010 relatif à l’activité de portage salarial